top of page

La phénoménologie - 2ème partie

Précisions sémantiques extrait d'un texte de  Michel Guerry*1

 

Qu’est-ce que la phénoménologie ? Alors, il y a « logos », et « phainomenon » (ce qui apparaît), l’étude des phénomènes.

 

Seulement voilà, la phénoménologie n’étudie pas les phénomènes comme le font les sciences de la nature qui essaient de décrire l’apparence avec laquelle les phénomènes se montrent, avec les modalités et les attributs qu’ils empruntent pour se montrer.

 

La phénoménologie décrit la « phénoménalité ». C’est-à-dire leur apparaître, leur découverte, leur dévoilement, leur révélation, les termes qui emploient des termes comme « entrer en apparition », se manifester dans une présence.

 

Tous ces termes sont un petit peu équivalents, et vous voyez bien, quand on parle de la phénoménologie, ce n’est pas quelque chose qui est équivalent aux sciences de la nature, on n’étudie pas les même choses.Ce n’est pas non plus équivalent à la psychologie. Il y a une grande différence que l’on va voir avec précision.

 

La phénoménalité du phénomène.

Comment les choses apparaissent.Je dis « les choses », parce que la grande ambition de Husserl, créateur de l’école de phénoménologie, était de faire quelque chose qui serait la science première, c’est-à-dire la connaissance première, celle qui, pour lui, devait présider à toutes les autres sciences, parce que, une science est une connaissance, un ensemble de connaissances.

Et il disait : « Avant de pouvoir dire « je connais ceci ou je connais cela », eh bien la première chose à faire est d’abord de savoir ce qu’est connaître. Parce que si on ne sait pas ce que c’est connaître, et ce que c’est qu’un savoir vrai, on peut bien dire « je connais ceci ou je connais cela, je connais les choses objectives, je connais les choses subjectives », cela ne veut rien dire du tout puisqu’on ne sait pas ce que c’est, ce que veut dire connaître. »

 

Mais malheureusement, malgré tous les efforts qu’il a fait pour cela, il a échoué. Il a échoué pour une raison très simple, c’est qu’il y a quelque chose qui est indispensable pour pouvoir faire une démarche dite de caractère scientifique. C’est que les a priori qui président à cette démarche doivent être élucidés, éclairés, apportés à la lumière.

 

Toutes les sciences ont leurs a priori, on ne leur donne pas toujours les mêmes noms, en mathématiques, on les appelle des axiomes, des postulats. Mais en tous cas, ça doit être apporté à la lumière, ce qui est difficile, parce que le propre d’un a priori, c’est qu’on ne se rend pas compte que c’est un a priori. Si on savait, on n’aurait plus d’a priori.Il y avait un vieil a priori, qui n’est pas nouveau puisqu’il nous vient de la pensée grecque, qui a ensuite été adopté par toute la pensée et la philosophie occidentale, par la psychologie. Cet a priori a consisté à concevoir la conscience uniquement comme une sorte de lumière qui, en se projetant, venait éclairer ce qui est là devant, c’est-à-dire les objets, (c’est ce que veut dire le mot objet, « jeté là devant »), et qui sans elle resterait dans l’ombre, la nuit, l’insu, l’inconscient, appelez-le comme vous voulez. Ça, c’est un vieil a priori de la pensée grecque.

 

On voit bien que cet a priori ne peut aboutir qu’à une impasse, pour la simple raison, c’est qu’à ce moment-là, on ne pourrait jamais connaître vraiment la conscience, puisque si il faut une lumière pour éclairer ce que c’est que la conscience, c’est ce qu’on appelle en philosophie l’intentionnalité, cette lumière qui vient éclairer, pour connaître cette intentionnalité, il faudrait une deuxième lumière qui viendrait éclairer la première, et puis il en faudrait une troisième pour venir éclairer la deuxième, et puis une quatrième pour la troisième, et on voit bien qu’on est dans un processus sans fin qui aboutit à une aporie (dubitation), c’est-à-dire à une impossibilité, une absurdité.

C’est là tout le mouvement de la phénoménologie traditionnelle, qui ne pouvait avoir qu’une connaissance, une conscience de la réalité des choses. Parce que le propre des choses c’est d’être là devant, dans cet espace mondain, avec leur matérialité, leurs dimensions, leurs relations, etc. ·

 

La vie est le savoir et pouvoir premier

Mais si la conscience n’était que cela, nous nous trouverions devant une difficulté majeure, c’est que nous ne connaîtrions pas la vie qui est en nous, nous ne connaîtrions pas son savoir et son pouvoir, pour la seule raison que dans ce milieu de l’extériorité, de ce hors soi, la vie n’est pas et ne demeure jamais.

 

Tout ce que nous pouvons en connaître, c’est la représentation que nous en avons. Mais la vie réelle n’est jamais là, la vie réelle n’est jamais dans le monde des objets perçus, dans le monde des objets imaginés, dans le monde de représentation de nos pensées, jamais dans ce monde extérieur.

 

C’est en soi qu’elle demeure. Et elle ne peut se révéler que si, au contraire, nous faisons ce retour en nous, car c’est en nous qu’elle habite, c’est en nous qu’elle est incarnée. Et elle va apparaître d’une manière qui lui est propre et qui n’a rien à voir avec la manière d’apparaître du monde, qui ne passe pas par une perception, mais par une aperception, avec le « a » privatif.

On l’appelle aussi interne parce que c’est en nous, en soi, qu’elle peut se révéler.On l’appelle « transcendantale », « trans acendere », ce qui est au-dessus, ce qui est plus originaire, parce que ce savoir et ce pouvoir originaire de la vie, que tout bébé connaît sans l’avoir jamais appris, parce qu’il nous est transmis génétiquement comme à tous les petits de l’homme.Quand on regarde un petit embryon qui a quelques semaines, qui n’a encore que quelques ébauches de membres, il suffit de le regarder, à l’échographie pour voir qu’il « sait » utiliser ce savoir et ce pouvoir que lui donne la vie, par exemple pour se mouvoir, un « se mouvoir » d’ailleurs qui est à l’origine de toutes nos sensations puisqu’il n’y a pas de sensations si on ne peut pas se mouvoir, et par conséquent à l’origine de toutes nos perceptions, et par conséquent à l’origine de toutes nos représentations, car on ne peut rien se représenter si ça n’a pas été présenté d’abord, et à l’origine par conséquent de toutes nos pensées, puisque sans représentations on ne peut pas avoir de pensées et images.

 

Cela veut dire qu’il faut faire un renversement complet par rapport à tout ce que nous avons pu apprendre à travers cette philosophie occidentale et la psychologie, parce que maintenant il faut placer la pensée en dernier, alors que toute la philosophie occidentale l’avait pensée en premier.

Pour revenir à cette « aperception interne », et ça ne peut venir qu’à travers une « méditation », qui n’est pas une introspection. Une introspection, c’est prendre pour terme de ses pensées, de ses représentations et de ses images, soi, mais un peu comme on pourrait prendre n’importe quel objet. Ce n’est pas de ça dont il s’agit. Il s’agit de « revenir au milieu de soi », « meditare », « être au milieu de », comme la Méditerranée est la mer qui est au milieu des terres, vous voyez l’origine du mot. C’est de ça dont il s’agit.Et comme ce « savoir et pouvoir de la vie » est « originaire », c’est-à-dire, est l’origine de tous les autres savoirs acquis, parce qu’il en est la condition de possibilité et que ces savoirs acquis ne peuvent pas exister sans ce savoir et pouvoir originaire de la vie, il accompagne nécessairement tous les autres savoirs, et c’est pour ça qu’on lui donne aussi le nom de « phénomène de conscience », le « savoir avec », qui n’a rien à voir avec la conscience des psychologues, c’est d’autre chose dont nous parlons

 

Et tout petit gamin sait utiliser ce « savoir et pouvoir premier de la vie ». Il sait qu’il est vivant, il ne se pose même pas la question, c’est une évidence pour lui.· Michel HenryIl était professeur honoraire à la faculté de Montpellier, et qui, malheureusement, a disparu en juillet 2002, disait que la vie, il la définissait, et je vous conseille de vous rappeler cette définition :« La vie se sent et s’éprouve soi-même, et elle n’est pas autre chose que ce « se sentir » et ce « s’éprouver soi-même » dans l’immanence absolue de son pur pathos. »

 

Qu’est-ce que ça veut dire « immanence », « immanere ». Dans le « jaillir » permanent, car la vie est sans cesse en train de jaillir dans notre existence, quoi que vous fassiez, dans le « jaillir » permanent de nos existences, dans son pur « pathos », c’est-à-dire en train de se manifester dans son « souffrir » et dans son « jouir ».· ...

 

                                                                                                                     * * *

 

1- Michel GUERRY

 

Le docteur Michel Guerry a créé, puis co dirigé de 1977 à 2007 avec Patricia Cora , l'Ecole Supérieure de Sophrologie de Nice (première école de sophrologie reconnue par l’Education Nationale comme "Etablissement d’Enseignement Supérieur Privé").

 

Durant ces années il a étendu son action et son enseignement en France et à l’étranger afin de faire connaître la pratique sophrologique aux professions médicales et paramédicales.

 

En qualité de gynécologue-obstétricien, il a mis au point la "Technique Guerry" dans le but d’aider les futurs parents à se préparer à la naissance de leur enfant, à leur nouvelle parentalité, et les aider à prévenir la crise intégrative, corporelle relationnelle et existentielle, induite par la situation d’attente d’un enfant et la naissance de celui-ci. Elle est considérée comme un des plus remarquables moyens de prévention de la psychose puerpérale et de la dépression du post-partum.  

 

En 1995, Michel Guerry devient le premier Président du Syndicat National des Sophrologues ; il publie de nombreux articles de fond portant sur les bases phénoménologiques, la méthode, l’épistémologie.

il est décédé le 25  décembre 2007 et c'est en janvier 2008, le professeur Alfonso Caycedo, fondateur de la Sophrologie, saluera son "immense travail".

 

Livre : "La sémentique phénoménologique et la sophrologie de A à Z" , par Michel Guerry

Pour le commander : ici

 

 

 

bottom of page